LA VERTICALE DU SAUT
René Denizot, juillet 2001
Cavalièrement, Laurent Hopp pratique un art du décalage. Son travail ne manque pas de géométrie. Au contraire, à cheval
sur cette “mesure de la terre”, il fait basculer les paysages, les visages, les rivages, les éclairages, les usages, selon des
plans de clivage et des axes de rotation qui délitent dans la chair du monde la structure de ses artifices. Le poids de la
peinture, les formes de l’architecture, les forces fragiles du dessin, l’effraction des signes photographiques, comme des
seuils où le sens trouve et perd l’équilibre, convoquent une instabilité, une impermanence de plein-pied, qui frayent les
failles du réel massif et indifférencié. Parce qu’il joue, en physicien, des archétypes de l’art et de la nature, le travail de
Laurent Hopp ne doit rien à une esthétique de connivence avec des gadgets technologiques. Il n’amuse ni n’apitoie, il
n’abuse pas la galerie. Il joue le jeu du monde. L’élévation de l’oeuvre est à la verticale du saut où se décide, ici et
maintenant, l’indécidable franchissement des possibles. Le travail tente l’impossible. Son effet de levier, celui
d’Archimède soulevant le monde, est d’emblée physique et métaphysique. Saisis au bond, le phénomène et l’idée
exhaussent la logique d’un monde sans fond.