VASISTAS
Cécilia Becanovic
Du 3 Mai au 2 juin 2001, la galerie Vasistas à Montpellier, a fait découvrir au public cinq
jeunes artistes, dont la thématique pourrait être l’exposition elle-même. En effet, si le plus
important pour eux est de donner à voir, on comprend que dans ce geste qui paraît simple
et fondamental réside toute la transmission des idées loties dans chaque réalisation. En
jouant de l’espace et du cheminement, en agissant sur le déplacement du spectateur, ils
tendent à maintenir en adéquation leurs concepts, ainsi que l’expérience physique et
spatiale du visiteur.
En entrant dans la galerie, le spectateur est invité à se mouvoir dans les trois dimensions,
à traverser l’espace, à laisser son regard glisser sur la surface lisse d’une photographie, à
fouiller la matière d’un tableau. Mais le spectateur bien qu’émancipé par cette activité n’est
pas libre, il constate l’ordre qui règne dans cet espace. C’est notre propre mouvement qui
semble attaquer cet ordre, le démystifier. On comprend non seulement la complexité de
l’accrochage, mais surtout la dimension, la forme, la couleur, tout ce qui constitue la réalité
concrète de l’objet placé devant soi.
Cela concerne particulièrement les travaux de Laurent Hopp, Bertrand Parinet, et Michaël
Viala, pour lesquels le corps et la matière de l’espace trouvent un prolongement dans
leurs travaux et inversement. Laurent Hopp n’hésite pas à placer de grandes barres
d’acier qui soulignent et restructurent l’espace. En choisissant de créer une diagonale,
c’est-à-dire un nouveau point de vue, Laurent Hopp examine les tensions déjà à l’œuvre
dans une architecture donnée, tout en créant une tension nouvelle comme étant le fruit de
ses observations. Cette structure en acier se présente comme une sculpture, mais aussi
comme un dessin. On pense au dessin car ces barres comme de simples traits sont
capables de traduire l’essentiel. Cette structure rend visibles des aspects du lieu, qui ne le
seraient probablement pas si l’on se confrontait aux murs, au vide. Ici l’objet n’est pas
préexistant, s’il préexiste dans une forme, celle-ci ne vit pas sans un lieu. Principalement
le lieu pour lequel il est créé, le lieu qui l’active.
Prenons le travail de Michaël Viala, ce qu’il nomme module n’est autre qu’un relief, un plan
incliné, dont tous les constituants appartiennent au lieu. Michaël Viala se sert des données
d’un mur porteur pour construire un volume, qui sera placé devant celui-ci, il va même
jusqu’à utiliser les couleurs du lieu pour peindre son volume. Cette pièce s’inscrit dans un
travail qui tourne autour de la pratique du Skate Board, Michaël propose des volumes qui
se pratiquent. Ils se placent à des endroits stratégiques, et il ne faut pas hésiter à les
piétiner pour faire l’expérience d’un travail qui transforme l’espace et nous offre la surprise
d’un piéton qui rencontre un obstacle, et se l’approprie systématiquement. Il ne fait aucun
doute que les travaux en présence sont des travaux qui se voient, mais si l’expérience de
la vision est souvent la plus immédiate, cette exposition interpelle réellement tout le corps.
C’est en allant au-devant de chaque réalisation, de chaque point de vue, que peu à peu,
ce qui isole un objet d’un autre se rompt et laisse place à l’appréhension d’une totalité.
C’est donc grâce à de curieux objets (sortes de maquettes en bois peint) comme nous les
propose Bertrand Parinet que de la multiplicité s’extrait l’unité. Les trois objets qu’il nous
propose sont formés par l’espace qu’il est possible d’appréhender aux endroits où ils se
trouvent. En trois objets, il est possible d’avoir tout l’espace. Ce sont des points dans
l’espace qui renvoient à l’espace lui- même.
Contrairement au caractère unique véhiculé par les œuvres que je viens de citer, le travail
de Cédrick Eymenier et Cédric Pin, peut échapper à un attachement propre au lieu.
Il s’agirait d’avantage de la création d’un ailleurs, non seulement par les lieux que ses
images rapportent mais aussi par leur construction qui fait appel à l'imaginaire. La
photographie et la peinture fonctionnent ensemble. Ce sont deux productions qui
marquent le début d’une série, qui devrait comprendre trois tableaux, toujours en regard
du travail photographique de Cédrick Eymenier, qui sert de modèle pour la réalisation de
peintures par Cédric Pin. Je terminerais par la deuxième réponse que Laurent Hopp a
inventée pour le lieu, il s’agit d’une intervention qui s’applique aux deux fenêtres de la
galerie. Cette intervention a consisté dans l’enlèvement des fenêtres pour placer devant
les deux ouvertures, du film transparent et de la toile à spi. Cet acte admet une fermeture
de l’espace, et transforme les deux ouvertures en écrans lumineux. Ces écrans nous
dispensent de regarder directement dehors, et nous offrent des images plus abstraites de
la réalité, des ombres fugitives, qui nous montrent les réponses du lieu lui- même.